Martial Raysse (né en 1936) a beaucoup cherché dans sa vie d'artiste et a beaucoup trouvé... au début et beaucoup moins ensuite. Il a néanmoins trouvé ces dernières années... de riches collectionneurs français dont l'incontournable Pinault. Pour ceux qui en doutait reconnaissons à l'homme d'affaire pour une fois un goût singulier peu dans l'air du temps.
C'est une rétrospective très complète que présente le Centre Pompidou des premiers travaux sous l'égide des « Nouveaux réalistes », en particulier d'Arman, à la dernière grande toile qui est à peine sèche en passant par ses oeuvres relevant du pop art. Si Martial Raysse est un insatiable chercheur il a aussi beaucoup emprunté. Il a été peut être le premier à détourner des peintures célèbres, en particulier celles d'Ingre. Au fil des années on retrouve dans les travaux de Raysse des accointances avec les oeuvres d'Arman, d'Ingre (déjà cité) de Matisse, du pop art américain, du douanier Rousseau, de Balthus du Gréco et même avec celle de Cadmus... Ce qui n'est pas complètement extravagant puisque Martial Raysse de 1963 à 1968 a fait carrière aux Etats-Unis. Si Raysse a beaucoup regardé les autres, il n'est pas douteux que bien des artistes, en particulier américains, ont puisé dans son oeuvre. Il serait très intéressant de confronter les dates de certaines des créations de Warhol avec celles de Raysse... Pour Bruce Nauman c'est encore plus évident. L'américain aurait pu signer America america mais peut être pas en 1964...
Dans cette rétrospective on voit donc des oeuvres des plus diverses quant au style mais aussi quant à la matière. Ce qui a fait d'ailleurs la célébrité de Martial Raysse, très jeune encore, se sont des pièces mêlant peinture, sculpture et objets de la vie quotidienne, miroir, morceaux de parasol, ballon... Encore plus original sur certaines toiles L'artiste projette de petits films qu'il a tourné lui-même. Dans l'un d'eux on y découvre son confrère et ami Arman.
Si ce sont surtout les peintures qui retiendront principalement l'attention des visiteurs, il ne faudrait pas négliger les sculptures minuscules ou imposantes. Mais c'est peut être dans les films que se découvre le plus Martial Raysse. Dans son seul long métrage, extrêmement représentatif d'un certain esprit baba de mai 68, on y voit une très sensuelle lolita batifolant nue au milieu de vaches... Partout dans son oeuvre la jeune femme est le motif dominant, hélas contrairement à ce que l'on voit chez Balthus par exemple les créatures féminines de Raysse sauf la lolita aux bovin, n'ont aucune sensualité.
Les grandes machines, auxquelles il se consacre actuellement, se voudraient, d'après ses chiches déclarations, une réhabilitation de la peinture savante (si quelqu'un pense à Poussin en voyant « La plage comme ici bas » qu'il m'explique je suis à son écoute.) accessible au plus grand monde. En fait devant les parfois presque 10 mètres de ces toiles on pense plus aux fresquistes français de l'entre deux guerres que l'on mobilisait pour vanter les travaux des champs ou l'excellence des vins français qu'à la peinture classique du XVII ème siècle. En ce plantant devant ces assemblées peintes on est aussi dubitatif que devant celles de Rauch, tout en étant forcé de constater qu'elles sont beaucoup moins bien peintes que celles de l'allemand... Je subodore que la touche et la gamme des couleurs voudraient évoquer Le Gréco, hélas elles font surtout penser à Garouste!
Difficile de trouver une constante dans l'oeuvre de Raysse par exemple si certaines de ses sculptures, en général les plus petites, sont élaborées à partir d'éléments de récupération et ont une vocation disons humoristique, d'autres beaucoup plus grandes sont d'inspiration classicisantes à sujet vaguement mythologique. La seule continuité est un certain panthéisme. Je n'ai jamais vu encore de peintres auquel on pourrait mieux coller l'étiquette new age...
Avec Raysse on est en présence d'un artiste sincère doué et précoce (il a fait sa première exposition personnelle à vingt ans) qui n'a jamais démissionné mais dont l'inspiration s'est évaporée aux alentours de 1970.