« Toute caresse, toute confiance se survivent » : voilà ce que j’ose espérer, et qu’il me semble avoir jusqu’à présent vérifié. On remarquera que le poète, lui aussi, met la caresse avant la confiance. Mais il ne les dissocie pas. D’heureuses dispositions érotiques et sentimentales (ou que je juge telles parce que ce sont les miennes, admettons de l’envisager) m’ont fait associer, toujours, le plaisir et l’immédiate affection, la reconnaissance peut-être, la tendresse, un amour épars. Je n’ai pas eu besoin d’être amoureux, certes, comme d’aucuns, et surtout des femmes, soutiennent qu’ils doivent l’être, pour éprouver la volupté ; mais elle m’a toujours inspiré, pour peu qu’elle fût partagée dans la douceur, l’amusement et la facilité, des sentiments qui étaient d’amour, oui, et qui le demeurent. C’est dire une fois de plus que m’est totalement étrangère, indifférente ou vaguement rebutante, même si par libéralisme je la respecte chez les autres, à condition qu’ils n’y contraignent personne, toute érotique de la violence, de l’animosité soit-elle jouée, de la douleur infligée ou subie. Je ne comprends rien à tout cela. En ce qui me concerne, foin des coups, des morsures et pincements. Et puisque Eluard ne recule pas devant le mot, je n’en craindrai pas non plus l’obscène fleur bleue : ne me plaisent que les caresses. Elles ont seules le pouvoir de fondre en une jouissance unique, la plus intense, les deux passions jumelles qui me font vivre, celle des garçons, celle des lieux.
Renaud Camus Elégies pour quelques-uns Editions P.O.L, 1988
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Fleur bleue
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